À minuit passé, dans le hall d’un aéroport vide, je reconnais Oscar Kabwit, seul avec sa valise. Certaines rencontres peuvent se révéler aussi improbables qu’inattendues. Dans un de ces types de rencontres, j’ai récemment eu l’occasion de m’entretenir avec Oscar Kabwit, dans une interview publiée par FootRDC mi-novembre. Dans cet article, je vous raconte les coulisses.
Avant l’entretien
Généralement, les procédures de voyages à l’aéroport international de Luano sont élastiques. Lorsque je dépasse enfin les agents de la migration, c’est avec soulagement que je m’installe dans le premier hall d’attente. Il est presque minuit et tous les passagers s’affairent à pianoter sur leur clavier de smartphone en attendant le vol d’Ethiopian à 2heures du matin.
Assis, un roman entre les mains, j’aperçois, en levant la tête, un jeune homme que je reconnais sans hésiter. Habillé en t-shirt marron, un smartwatch à la main, des écouteurs autour de son cou, c’est à sa coupe de cheveux courte et peignée que je le reconnais : Oscar Kabwit. L’ailier de 19 ans doit rejoindre la sélection, car quelques jours plutôt, il a été appelé en renfort pour remplacer Gaël Kakuta, blessé. La dernière fois que je l’ai vu, c’était lors des quarts et demi finales de la Ligue des champions lorsque je couvrais les matchs au bord du terrain pour la CAF. C’était à distance, dans un contexte public et loin.
Ce soir-là, Kabwit, seul, en training noir sur des baskets Nike, voyage léger avec une valise moyenne, son téléphone en main. « Je devrais profiter de l’occasion pour discuter avec lui », me dis-je alors. À part les conférences de presse, souvent avec des réponses surgelées, un reportage au centre de formation du club et une soirée où un des membres de l’ancienne équipe technique m’a invitée, il est rare d’interviewer un joueur du club, et ce, malgré des sollicitations régulières.
Pourtant, malgré l’aubaine, j’hésite, las. Je le vois se lever, discuter d’un document avec un personnel de l’aéroport, qui contrôle ses papiers puis le joueur se rassoit. Je suis alors fatigué après des heures d’attente et de démarches, avec juste l’envie de lire, mais je me propose d’attendre un moment propice. Je ne le regretterai pas. À ce moment-là, sans prendre de photos, je rédige quelques notes sur le joueur, ses mouvements et je réfléchis à d’éventuelles questions à lui poser.
L’entretien de minuit
Une demi-heure plus tard, je décide de passer à l’action. Nous sommes alors installés dans le second hall de l’aéroport et les minutes s’égrènent. Etant entré après lui, je m’installe juste derrière son siège, pour préparer mon introduction. Revigoré et décidé, je sors de mon sac un micro que j’accroche au téléphone pour prendre le son et apprête mon carnet de notes, juste au cas où. À mes côtés, un monsieur me prête un stylo. Le mien est introuvable.
« Bonjour, je m’appelle Elisha. Vous c’est Oscar Kabwit », dis-je en guise d’entrée, m’étant rapproché et étant entre lui et une gentille dame qui a accepté de me laisser m’assoir à ses côtés. « Oui, c’est moi » me réponds souriant, mais fatigué le joueur. Je me présente rapidement, mon métier, ma rédaction et lui explique que FootRDC suit sa sélection par Sébastien Desabre. « Nous avons d’ailleurs publié un papier là-dessus ». Le joueur est en confiance, je lui propose une discussion sur ses sensations après ce premier appel avec les Léopards. À mon grand plaisir, il accepte. « Mais s’il faut enregistrer le son, je ne crois pas… » me glisse-t-il lorsque je veux brancher mon enregistreur.
« Pas de souci. Dans tous les cas, elle sera publiée en ligne après la retranscription », dis-je pour le rassurer. Je connais les restrictions que peuvent imposer les clubs aux joueurs. Je lui propose alors de prendre note. Il est okay. « En fait, au départ, je n’avais pas mon téléphone avec moi. Quand je le reprends, je trouve un appel manqué du sélectionneur. Je le rappelle sur le champ et c’est là qu’il me m’annonce que je suis appelé pour rejoindre le groupe. J’étais très content et j’ai ressenti un grand flot d’émotions », me confie-t-il sur l’appel du sélectionneur.
Parfois, il pose ses yeux sur mon carnet. Détendu, il se livre alors et me raconte les coulisses de sa sélection, son rêve accompli et ses objectifs, notamment « être plus décisif en offrant plus de passes décisives et en marquant plus de buts. Je ne me mets pas de pression, mais mon objectif est de passer le cap de 15 à 20 buts toutes compétitions confondues » et « découvrir un championnat européen dans l’avenir ». L’entretien se passe bien, il est souriant et ouvert. Le Graal du reporter.
Notre discussion dure à peu près 15 minutes et se clôture sur des questions légères comme ses préférences de divertissement. Il me parle de son dernier film vu « The Mother », son amour du jeu vidéo de foot et sa nature casanière. Appuyé sur le dossier, sa valise en face de lui, je lui remercie et nous échangeons nos numéros. « Je vous enverrai le lien après la publication » dis-je en guise de promesse.
Après l’entretien
Installé de nouveau, je me réjouis d’avoir saisi l’occasion de parler avec le joueur. Surtout d’avoir bravé la fatigue. Il est alors 1heure passée. Le vent souffle à Luano, il fait froid et l’attente de l’avion semble interminable. J’en profite pour rédiger un court message à la rédaction. « EXCLU. Je viens d’interviewer Oscar Kabwit dans le hall de l’aéroport de Luano (1h12). Il rejoint la sélection à Abidjan. Papier à venir au courant de la journée. Bon sommeil à ceux qui dorment ». Le message s’accompagne d’un émoji souriant.
Lorsque l’avion arrive, que nous prenons tous les deux, on se souhaite bon voyage. À Addis-Abeba, nos chemins se séparent. Je me dirige à Lomé, lui prend un autre vol pour Abidjan. L’entretien sera publié deux jours plus tard. Lorsque je lui envoie le lien, Oscar Kabwit me remercie et m’assure que sa découverte de la tanière « se passe plutôt bien ». Jusqu’au bout, un homme humble et ouvert d’esprit. Une dernière chose. À la fin de notre entretien à Luano, j’avais non pas un, mais deux sujets. L’interview, déjà mise en ligne depuis, et ce second sujet que vous venez de lire. Presque une confession d’un métier où « toujours l’inattendu arrive ».
Elisha Iragi