Jeudi 11 mai 2023, il est 11 heures à Kinshasa quand une nouvelle apparemment bonne tombe sur Facebook. La page Facebook de la FECOFA est certifiée, annonce faite sur la page FECOFA-Fédération Congolaise de Football Association, forte de ses 40.000 abonnés et plus. Dans cet article, nous vous présentons le récit détaillé de cette invraisemblable histoire, en vous expliquant la malice des usurpateurs et le péché de la FECOFA.
La nouvelle avait de quoi faire jubiler quelques Congolais intéressés par les réseaux sociaux, et connaissant assez bien l’importance d’une certification. Ils s’empressent de commenter la publication.
« Après 63 ans d’indépendance nous avons maintenant une page certifiée quel bonheur », exulte un internaute. « Félicitations à toutes les personnes qui se sont impliquées pour que cette page soit ainsi certifiée et aux Congolais qui se sont abonnés à cette page de la Fédération Congolaise de Football Association » ajoute un autre. Certains vont plus loin pou place la fausse-bonne nouvelle au bilan du comité de normalisation : « Enfin ! Si je comprends bien c’est le comité de normalisation qui fait à ce que cette page soit certifiée. Les comités précédents étaient là juste pour bouffer de l’argent et bloquer le bon déroulement du sport au pays ».
De la joie à la déception, la confusion
Mais très vite après cette annonce qui a émerveillé les sportifs congolais abonnés de la page « certifiée », la joie laisse place à la déception, à la confusion, surtout aux grandes interrogations. Tout bascule quand le Média Officier de équipes nationales de la RDC, Jerry Kalemo, qui est parfois assimilé au directeur de communication de la FECOFA, vient lui aussi commenter la même annonce. Sans avoir beaucoup à expliquer aux internautes il balance simplement : « Cette page est fausse ». D’autres journalistes le suivent pour reproduire le même commentaire. Des gens réalisent alors qu’ils se sont tombés dans le panneau.
L’usurpateur a réussi le coup parfait puisque la vraie page de la FECOFA porte exactement le nom de sa fausse jumelle (Fecofa-Fédération Congolaise de Football Association). Seule différence, la FECOFA de la vraie est écrite en minuscule.
Comment une page non-officielle a-t-elle pu obtenir la certification auprès de Facebook ? Pour répondre à la question, commençons tout d’abord par comprendre c’est quoi la certification et qu’est-ce qu’il en faut ? Sachez qu’une page certifiée est marquée d’un badge bleu attaché au nom de la page (juste après la dernière lettre). Cette insigne apparaît sur chaque publication de la page et partout où elle est mentionnée. Dans certains cas (rares) le badge marquant la certification peut être de couleur « grise ».
Pourquoi certifier une page Facebook ? Faire certifier une page Facebook est avant tout un moyen de se démarquer de pages et de profils avec des noms similaires ou une activité similaire. Les pages Facebook vérifiées semblent plus que jamais mises en avant par Facebook dans les recherches. Un badge de vérification Facebook est donc un bon moyen de gagner en visibilité auprès des internautes.
En outre, la certification d’une page Facebook participe à l’image de marque. Les internautes se sentiront plus à l’aise avec un badge Facebook.
Une page Facebook certifiée a pour but d’éviter que des pages trompent les internautes en se faisant passer pour une autre. Enfin, la vérification d’une page Facebook vise aussi à lutter contre l’usurpation d’identité
Que faut-il pour certifier une page Facebook ? Les premiers pré-requis sont : Une page complète et paramétrée, une photo de couverture et de profil, une page avec des publications, du contenu régulier, un nom de page autorisé. Une fois la page jugée éligible à la certification, il est alors nécessaire de fournir un document pour prouver que cette page est officielle :
- Une pièce d’identité, passeport, carte d’identité (pour un profil personnel)
- Un document officiel de l’entreprise, document RCCM ou numéro d’identification nationale, facture, numéro de téléphone, déclaration fiscale (pour un profil d’entreprise, association, ONG…)
De ce qui précède, l’on comprend bien qu’il s’agit d’un processus assez exigent et méticuleux pour qu’une personne moins bien rodée aux NTIC s’offre l’exploit de certifier une page non-officielle. D’où est-ce que les responsables de la fausse page de la FECOFA ont dû sortir l’un de ces documents requis pour le fournir à Facebook ? Un membre de la fédération ou une personne extérieure ayant des affinités avec les membres FECOFA est-il derrière ce coup surréaliste ? Toutes ces questions sont sans réponse, du moins pour le moment.
Le fil de l’histoire
Ce dossier curieux a une racine. En tapant dans la barre de recherche sur Facebook, il y au moins 9 pages fonctionnant avec le nom FECOFA, bien entendu avec des ajouts. La fédération congolaise de football a communiqué pendant un certain via une page dénommée « FECOFA Officiel » qui existe encore jusqu’à ce jour, devenue non seulement un canal d’information mais un outil de divertissement.
La nature a horreur du vide et La FECOFA le sait. À l’heure où le numérique prend une place pondérante dans notre quotidien, il est quand même surprenant qu’une grande instance comme la FECOFA n’ait pas, depuis tout ce temps, pensé à créer une page professionnelle et à la certifier au plus vite. Qu’une telle mésaventure se produise en 2023, revient à traduire une lâcheté impardonnable des membres de la direction de communication de la fédération.
Un réveil tardif et des conséquences à assumer
Les dirigeants de la fédération ne devraient pas se plaindre. Ils sont en grande partie responsables de tout ça. Depuis le président Omari jusqu’à Donatien Tshimanga, ce n’est qu’en 2023 que la FECOFA s’est enfin créée une page Facebook et un compte Twitter professionnels, régulièrement alimentés par du contenu de qualité et bien présenté. D’après nos sources, un contrat a été signé entre la l’instance faîtière du foot congolais et une agence de communication. C’est donc cette agence qui accompagne la FECOFA depuis les deux matchs face à la Mauritanie, en produisant vidéos et photos publiées sur les réseaux sociaux de la fédération. Elle appartiendrait à Sébastien Desabre, sélectionneur des Léopards seniors, selon les informations parvenues à notre rédaction.
Rappelons que la vraie page de la FECOFA a été créée le 23 janvier 2023, en même temps que le compte Twitter « FECOFA RDC_Officiel » (déjà certifié).
De notre fouille, nous constatons que la fausse page elle, existe depuis le 27 avri 2022. Et depuis sa création, elle n’a jamais existé sous un autre nom, ce qui écarte l’hypothèse d’une page d’un tiers transformée en page de la FECOFA. Dès sa mise en place, cette page qui utilisait le logo officiel de la fédération, s’est lancée à fond dans la diffusion des informations (vraies) sur les Léopards (toutes catégories). Elle le fait avec passion, proposant même des affiches des matchs avec un design pointu (depuis un certain temps).
Personne ne sait et ne comprend la source de cette motivation hors du commun. Elle est tellement grande qu’elle est parvenue à arracher le fameux badge bleu auprès de Facebook, chose rarissime pour une page non-officielle.
Instagram, l’autre champ de bataille
La détermination des faussaires paraît inébranlable, d’autant qu’ils ne se sont pas limités à Facebook. Sur Instagram, l’autre réseau de Zuckerberg, deux comptes FECOFA existent ; le vrai du nom de « fecofardc », et le faux appartenant à ces mêmes usurpateurs porte le nom « fecofardc_officiel », suivi par des stars de l’équipe nationale à l’instar de Cédric Bakambu.
Les deux comptes ne sont pas encore certifiés. Mais il n’est pas impossible que le faux le soit encore une fois avant le vrai.
La FECOFA n’a pas dénoncé publiquement cette triche, mais nous apprenons qu’elle a entrepris des démarches pour signaler la malice des pirates, alors que d’autres personnes conseillent la FECOFA de collaborer carrément avec ces génies de l’usurpation pour au pire, récupérer la page certifiée en trouvant un accord avec eux. Que ceci serve de leçon à toutes les entreprises et organisations populaires qui n’ont jamais pensé à certifier leurs pages.
Document réalisé par Isaac B’ampendee
