Éditorial : l’exploit majuscule de Sébastien Desabre et ses hommes

En remportant la victoire sur le sol gabonais, les Léopards ont réalisé leur performance la plus aboutie depuis les éliminatoires de la Coupe du Monde 2022, confirmant ainsi le projet du sélectionneur français avec l’équipe nationale.

Pour apprécier l’ampleur de cet exploit, il convient de prendre en compte deux, ou plutôt trois, éléments. Tout d’abord, il faut remonter jusqu’à novembre 2021 pour trouver la trace d’une victoire à l’extérieur en compétition officielle, en Tanzanie (0-3). En réalité, les Léopards ne remportent pas souvent des matches à l’extérieur, encore moins dans un contexte aussi hostile que ce déplacement au Gabon. Les joueurs locaux, galvanisés par le retour de Pierre Emerick Aubameyang, se sont retrouvés impuissants face à la stratégie mise en place par Desabre, symbolisée par un but sur coup de pied arrêté, lorsque Tshibola s’est élevé dans les airs de Franceville pour catapulter une puissante tête au fond des filets.

La deuxième raison de saluer ces trois précieux points, comme le rappelle la presse congolaise, réside dans l’enjeu entourant cette rencontre. Combien de fois les Léopards ont-ils flanché au pire moment dès que le défi était plus que la simple considération d’un match international ? L’effondrement au Maroc l’année dernière, les quinze dernières minutes inoubliables face à la Tunisie en 2018, ou encore l’impuissance contre Madagascar en huitièmes de finale de la CAN 2019, avec ce penalty de Yannick Bolasie. Une défaite contre l’équipe de Patrice Neveu aurait mis fin aux rêves de rejoindre Abidjan dans la moiteur de janvier 2024. Derniers de leur groupe, ils ont réussi à prendre la première place en dépassant leurs adversaires lors de cette soirée cruciale.

Sans droit à l’erreur, les Léopards ont dominé une panthère menaçante mais rarement décisive, comme en témoignent leurs 17 occasions et 6 tirs cadrés. Ce combat dans la jungle rappelle que même face au président de la République, Omar Bongo en l’occurrence, qui assistait à la rencontre depuis les loges, ces joueurs peuvent se surpasser et faire passer tous les analystes pour des novices. Pour une fois, l’enjeu n’a pas éclipsé le jeu, et les coéquipiers de Lionel Mpasi, qui a réalisé des arrêts héroïques (7 au total), ont relevé ce défi avec brio, ressentant ainsi le sentiment d’avoir accompli leur devoir avec élégance. L’expression « les Panthères ne perdent jamais à Franceville » devient obsolète, tandis que Sébastien Desabre en sortait indemne, à l’image de sa barbe poivre et sel qui penche davantage vers le blanc que vers le gris.

C’est là l’autre raison de l’exploit remarquable réalisé par la RDC. Depuis l’arrivée de Desabre et l’annonce de son projet de jeu, son discours n’a jamais été aussi porteur de sens. En enchaînant ces deux victoires, y compris celle contre l’Ouganda lors d’un match amical quelques jours auparavant, son équipe a montré les prémices de ce qu’il souhaite réaliser d’ici 2026 : qualifier le pays pour la Coupe du monde en Amérique. Dès le mois de septembre, il pourra franchir une étape cruciale en obtenant son billet pour la CAN. Cela relèverait presque du miracle, étant donné l’état de léthargie dans lequel se trouvait la RDC lors de la première partie des éliminatoires menant à la Côte d’Ivoire. Les prémices d’un chef-d’œuvre se dessinent.

Iragi Elisha