Édito : Ibenge, du chat noir au géant dans l’histoire

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Le conte n’aurait jamais été si doux et merveilleux, s’il n’echouait sous l’éclat d’une étoile longtemps recherchée. La vie n’appartient pas seulement à ceux qui luttent et gagnent aujourd’hui. Le spectre du succès attaché à la pensée unique qui nettement, entraînerait la foule à inhumer les vainqueurs cachés de demain, pour qui le sort du moment peut ressembler à la fatalité, à l’invariable faiblesse de voler au-dessus de la muraille des défis.

Dans le foot comme dans la vie, le prêche de la patience est-il si simple à raconter qu’à vivre, qu’à s’imposer ? Quand larmes et regret vous attendent à l’issue d’une saison écumée d’ambitions. La superposition des objectifs non atteints est pour tout entraîneur, un cauchemar béant. C’est justement avec cette écorchure blessante, parfois mortifiante collée à la tête, que Florent Ibenge a vécu ces dernières années en tant qu’homme du bord du terrain. Tel un « chat noir », l’identité d’un coach qui ne gagne pas de trophées en interclubs africains, s’est instaurée dans ses jours, le stigmatisant. La malchance et le coaching approximatif n’en sont pas moins devenus des stéréotypes chèrement trouvés pour qualifier l’entraîneur congolais. Il fallait du temps et, bien sûr beaucoup de temps.

D’où ça part et repart…

Après des études et une vie en Europe, un passage éclair en Inde, Florent Ibenge accepte volontiers de revenir dans son pays et prêter un coup de main à un club populaire du pays. En 2012 débute l’itinéraire de FI sur la terre de ses ancêtres, à la tête d’une équipe excavée par d’innombrables désillusions africaines, qui n’avait d’yeux que pour voir mourir ses rêves aux préliminaires des tournois de la CAF.

Sous Florent, naquit à l’AS VClub une dynamique et un semblant de réveil qui prendront véritablement forme en 2014. Là, Flo est presqu’au sommet de l’Afrique mais se brise les cotes sans tomber face à Sétif. Ses Dauphins Noirs avaient réalisé un sprint détonateur pour en arriver là. Éliminer Kaizer Chiefs aux préliminaires, sortir tête haute d’un groupe fait à base de l’expérience de Zamalek, la fureur du TP Mazembe et les troubles des Soudanais d’Al Hilal. C’était avant d’éliminer le CS Sfaxien en demi-finale. Lema Mabidi, Héritier Luvumbu, Firmin Mubele, Guy Lusadisu, Issoufou Dayo constituaient la colonne vertébrale de cette brillante génération dorée. Mais en finale, ils sont fluets, et laissent Sétif arracher la mise, punis par la règle du but marqué à l’extérieur. (2-2 à Kinshasa, 1-1 à Sétif).

Une première finale africaine depuis 33 ans, qui fait renaître l’espoir et la confiance. Cette confiance du public VClubien sera de tout un peuple envers un coach sorti de l’anonymat et qui conduira quelques mois plus tard, l’équipe nationale de la RDC à une troisième place à la CAN 2015. L’épopée de Florent Ibenge est incroyablement bien lancée. Il force respect au pays et admiration à l’extérieur. Euphoriques, les supporters de l’AS VClub créent un chant d’honneur à celui qu’ils ont surnommé « Coach Android ». « Ibenge coacher, coacher », cette symphonie pauvre en lyrics va raisonner dans les travées du Stades des Martyrs et Tata Raphaël à chaque sortie des Verts et Noir. Même quand les Léopards jouaient, elle n’était pas en sourdine. Ibenge est vénéré comme un dieu, cependant, critiqué en même temps par une frange des supporters.

C’est en 2018 que ses détracteurs se donneront raison d’avoir douté de lui. Il était peut-être un chat noir, un coach incapable de faire gagner à Vita Club une Coupe africaine. Nouvelle finale perdue contre le Raja en Coupe de la CAF. VClub découvre qu’il n’a pas son homme de la situation, mais Gabriel Amisi Kumba, président de l’époque, est lui, attendri par les exploits antérieurs de Florent. Le virer n’était pas la chose la plus aisée à faire. Le technicien restera en fonction à l’AS VClub jusqu’en 2021 et garnira ses trois dernières années avec des échecs et humiliations en Ligue des Champions de la CAF. Trop, beaucoup trop !

Et comment ça finit ?

Juillet 2021, à l’aune de ses infortunes, crise de confiance avec la famille VClub et ses dirigeants, son pilier Gabriel Amisi ayant claqué la porte un an plutôt, Florent Ibenge choisit finalement de partir, ou mieux de se départir du club qu’il a porté dans son cœur pendant 8 ans. Il s’extirpe de Kinshasa sans mot, comme il était venu. On l’annonce un peu partout sur le continent, Afrique du Sud, Égypte, Guinée…Il atterrira au Maroc, à la Renaissance Berkane avec la stature d’un coach aux dents longues, travailleur et faiseur des miracles.

Moins d’un an après, l’on peut dire que les dirigeants de la RSB n’avaient pas foutu le nez du mauvais côté. Florent Ibenge a déjà fait au-delà des attentes du club. Il a tout d’abord réussi à qualifier Renaissance en C2 CAF tandis qu’il a pris les fonctions en cours de saison et les Oranges étaient bien mal au classement. Et cette année, c’est le Graal. Florent Ibenge conduit le club marocain jusqu’au titre de la Coupe de la CAF, délivrant le peuple Orange, mais surtout, se délivrant lui-même de ses vieux démons. Sa légende en interclubs de la CAF longtemps cernée de poisse, a été réécrite.

Un trophée continental au soir d’un sobre vendredi 20 mai, à Oyo (Nigéria). Florent Ibenge conjure le sort au terme d’un match épique face à Orlando Pirates, décidé aux tirs au but. Sa Renaissance l’a fait renaître et rentrer dans l’histoire, lui qui était perçu comme un chat noir. Flo devient le premier coach congolais à porter une médaille de toutes les compétitions africaines auxquelles il a participé (CAN, CHAN, LDC, C2). À titre personnel, il vient de remporter une deuxième compétition internationale après le CHAN 2016, encore mieux que n’importe quel entraîneur congolais, et africain. Son histoire est toute écrite, manque à sa collection une Ligue des Champions et éventuellement une Coupe d’Afrique des Nations pour la rendre parfaite. Flo, un géant dans l’histoire.

Isaac B’ampendee


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