Dossier FECOFA : l’héritage des années Omari (épisode 3/5)

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Après 18 ans à la tête de la Fédération congolaise de football, Constant Omari a jeté l’éponge en juin 2021. Dans une série de 5 articles, FootRDC revient sur près de deux décennies de « l’homme moderne » à la tête de la plus grande instance du football en RDC. Dans les deux premiers épisodes de la série « FECOFA-Omari : un dossier lourd de dix-huit ans », ses débuts et ascension puis sa gestion en « républicain ». Place au troisième pour disséquer son héritage, entre succès et échecs.

Omari, l’autocritique et le bilan

Dans un entretien avec Jeune Afrique en avril 2021, Omari dressait son bilan, à sa manière. Sous sa direction, les Léopards de la RDC se sont qualifiés lors des 6 Coupes d’Afrique des Nations sur les 9 éditions possibles, ont remporté le Championnat d’Afrique des Nations (CHAN) en 2009 et en 2016. C’est aussi sous sa gestion, les clubs congolais sont revenus sur la scène continentale, en témoigne les titres de Mazembe en Ligues des champions (2009, 2010, 2015) et Coupe de la Confédération (2017, 2018) tandis que l’Association Sportive Victoria Club se hissait en finale de la LDC (2014) et la de Coupe de la CAF (2019) rappelait-il à juste titre à la presse le 16 juin, devant quelques feuilles sur lesquels était griffonné les chiffres de son mandat.

Dieudonné Kabeya Ngalula, journaliste sportif à Radio Okapi estime que « sous Constant Omari, la RDC a eu des résultats intéressants au niveau des clubs. Je pense aux titres de Mazembe et les compétitions interclubs de la CAF. En tant qu’institution, la FECOFA a été forgé à son image c’est-à-dire par ses choix, c’était un cercle d’amis. »

Le siège de la Fédération congolaise de football association (Fecofa) à Kinshasa. Photo Droits Tiers.

Ces succès quoi que pas directement liés à sa personne, on ne peut les lui enlever, car il a initié le mouvement de renaissance pour le championnat national. Un sponsor de taille, le géant de télécommunication sud-africain Vodacom, met plus de 100.000 USD pour le vainqueur depuis quelques années, arrachant le naming. Une stabilité du football national, la Linafoot (officiellement la Vodacom Ligue 1) s’est hissé dans le Top 3 ou 5 des meilleurs championnats en Afrique pendant plus de dix ans, entre 2009 et 2020.

« Constant Omari a porté notre football au sommet de la hiérarchie à travers sa personne, jusqu’à gérer la CAF, la RDC a atteint les sommets à la FIFA sur le plan administratif, » estime François Kabulo Mwana Kabulo, célèbre journaliste sportif à la RTNC. « Il s’est battu, avec le concours de la FIFA, pour que la fédération ait un siège digne. Je me souviens que c’était la bagarre pour l’obtenir. Des Libanais occupaient le bâtiment et en avaient fait une école. Omari et ses collaborateurs se sont battus aux affaires foncières et ont réussi à arracher ce siège digne. A cela, il faut ajouter le centre technique Kurara Mpova, obtenu à l’époque de Sepp Blatter, qui n’attend que d’être l’exploiter. Ces sont des acquis palpables. »

En équipe nationale, il a su sortir le pays de son marasme de résultats (Médaille de bronze en 2015, meilleur résultat depuis la CAN 1996 au Burkina Faso) tout en insufflant un air d’ambition avec les venues des binationaux. La fédération s’est dotée d’un centre d’entrainement neuf, Kurara Mpova, en hommage à l’ancien président de la fédération. «De 1996 à aujourd’hui, j’ai organisé l’administration de la FECOFA. Aujourd’hui, nous avons deux arbitres internationaux, on a révolutionné le football féminin, sans oublier les infrastructures,» se félicitait-il à son départ. Un bilan qui ne met pas tout le monde d’accord.

Les échecs des années Constant Omari, le « dictateur » ?

De son long règne, Omari a connu des moments de tempêtes et des épisodes d’échec. Le plus grand regret de l’ex-président sera celui de n’avoir jamais réussi à qualifier l’équipe nationale pour une Coupe du Monde, ni d’avoir remporté une CAN et ce malgré plusieurs générations talentueuses. Pourtant, il la RDC était presque à la Coupe du Monde en 2018, avant de voir ses rêves s’effondrer face à la Tunisie, à Kinshasa un soir de novembre 2018. « J’ai aussi des regrets, dont le fait que la RDC n’ait pas gagnée la CAN», déclarait-il à JA.

« Il aurait pu amener le football congolais plus loin. La mauvaise gestion, le clientélisme, on l’a décrié pendant des années en prévenant que ces pratiques allaient tuer notre football et malheureusement, c’est ce que nous vivons aujourd’hui. Que ce soit en équipe nationale ou au niveau des clubs, on a touché le fond : dossier Matutala, l’élimination pour la CAN 2021, les mauvais résultats de clubs, ce sont les conséquences de cette gestion désastreuse, » rappelle Dieudonné Kabeya.

Les infrastructures sportives restent l’autre grand échec d’Omari. « La FECOFA n’a pas les moyens ni pour construire, ni pour réhabiliter les stades. Il n’y a pas de politique sportive nationale en RDC. Je n’ai pas ma langue dans la poche et je vous le dis, » expliquait l’ex Vice-président de la CAF. S’il accusait régulièrement, et non à tort, l’Etat de n’avoir jamais su s’impliquer pour moderniser les enceintes comme le Stade des Martyrs, l’ancien président de la FECOFA n’est pas exempte de tout reproche dans la gestion des multiples projets lancés un peu partout sur le pays, sans suite. Le Stade Lumumba au Kongo-Central, celui du même nom à Kisangani ou le mythique Tata Raphaël, depuis 2018 en perpétuelle rénovation.

Dans l’administration, son mandat sera toujours entaché par des certaines bévues qui ont parfois coûté très cher, comme la disqualification des Léopards U23 de la course aux JO, pour fraude d’identité. François Kabulo révèle que « il a détruit le football congolais au niveau de textes si bien que ça créé de dysfonctionnement pendant des longues années. Constant Omari a fait des statuts sur mesure en fermant la porte à d’autres intelligence qui pouvaient contribuer au développement du football dans notre pays. Il a dirigé comme un dictateur : il n’y avait que lui qui parlait, personne ne pouvait entre à la FECOFA, pendant des années, personne ne pouvait parler. » Des textes qui vont changer après la mise sous tutelle de la fédération par la FIFA et la CAF.

« On fonctionne en mode urgence, » se plaignait Omari lors du voyage de la RDC au Gabon en septembre 2021. Le football des jeunes aussi, c’est l’autre point qu’Omari n’aura pas réussi à stabiliser et ce n’est pas par manque d’initiative. Les tournois, dont Airtel jeunes Talents ont eu lieu à Kinshasa, sans suite. « Pour le football de jeunes, il y a eu des tentations mais qui ne sont jamais allées loin. Le football féminin, totalement négligé. Nous avons manqué l’organisation de la CAN de U23, donc il a raté son mandat de ce côté-là. Il s’est plus accaparé de seniors foot, c’était sa seule préoccupation, » analyse Kabulo Mwana Kabulo. Pendant les 18 ans de Constant Omari, la RDC n’a organisé aucune compétition internationale ni continentale tout en se trouvant au bas de la liste en termes de formation.

S’il a apporté une stabilité administrative et une assise de la fédération, Omari a laissé derrière lui un bilan mitigé. Quid de sa succession ?

Les précédents épisodes du Dossier FECOFA-Omari

Iragi Elisha

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